Un léger souffle faisait vibrer doucement les feuillages denses des arbres, les faisant onduler, ployer légèrement sans pour autant les menacer de les rompre. Dans les branchages quelques oiseaux chantaient malicieusement, ne s'arrêtant même pas lorsqu'ils me voyaient passer sous eux. Le chemin était un peu boueux, il avait plu cette nuit, presque un... Gewitter... Je sortis de ma sacoche un mini-dictionnaire et consulta prestement les pages. Presque un orage. J'avais une bonne maîtrise de la langue locale, mais il m'arrivait parfois d'avoir un bête trou et de repartir dans ma langue maternelle. Bref, il avait plu, et j'en savais quelque chose.

Hilda m'avait déposé la veille, avec la vieille voiture toute cahotante et secouée à la moindre petite bosse que nous avions loué une fois sur place. Mais nous étions arrivées tard dans la soirée. J'avais rapidement sortis mes affaires du coffres, je lui avais serré la main et elle était vite repartie. Un avion pour l'Allemagne devait décoller dans la toute proche matinée et la vieille dame devait encore rendre la voiture, si celle-ci n'avait pas rendu l'âme avant. Une des secrétaires m'avait accueilli et m'avait donné un plan. Elle m'avait paru vraiment fatiguée, aussi l'avais-je prié de retourner se coucher. Et c'était ce qu'elle avait fait. Mais je n'avais eu aucun souci pour transporter mes affaires jusqu'à mon nouvel appartement. Comme quoi, les pouvoirs étaient parfois utiles...

Donc, étant arrivée en pleine semaine, je ne prenais mes fonctions que la semaine suivante. Cela me donnait l'occasion de découvrir à loisir les environs de l'académie. Ne cherchez pas à savoir pourquoi la forêt plutôt qu'un autre endroit, je ne savais pas moi-même. Le fait est que mes pas m'ont conduit jusqu'à la lisière du bois, alors pourquoi ne pas continuer ? C'est ce que j'avais fait, et me voilà maintenant, à écouter chanter des oiseaux, à respirer l'odeur sylvestre et à sentir le vent dans mes cheveux. Et je souriais, bien évidement.

Déambulant sans regarder où je mettais les pieds, le nez en l'air, traquant du regard ces petites bêtes volantes si lestes et si joyeuses qui me narguaient, je fini par me prendre les pieds dans une racine, manquant de m'écraser de tout mon long. En vérité, je me retrouvais suspendue de manière improbable naturellement, un pied dans le vide, l'autre touchant à peine le sol du bout des orteils. Je me redressais et désactivais mon pouvoir. Je détestais avoir ces réflexes protecteurs, et j'avais mes raisons.

Encore quelques pas et j'arrivais dans une petite clairière traversée par un petit ruisseau. L'herbe était d'un beau vert, l'eau était bleu clair et ces abrutis de volatiles n'étaient plus audibles. Un tronc abattu fendait l'espace dégagé en deux. Je m'installai dessus, ne craignant pas la mousse salissante et les bestioles dont l'arbre mort devait grouiller. Mon sourire s'accentua alors que je sortais de ma sacoche un carnet de feuilles blanches, un critérium et une petite gomme simple.

" - Parfait. " murmurais-je pour moi-même, fixant la rangée d'arbres se trouvant face à moi.

En deux clics, je fis sortir la mine du critérium, prit ce dernier correctement en main, avant de poser le bout de la mine sur une nouvelle feuille vierge. Je mis doucement à griffonner le paysage se trouvant devant moi, gardant mon regard braqué sur ce dernier, ne jetant que de rares coups d'œils à la feuille.

Alan regarda par le fenêtre de son infirmerie. L'air était doux mais encore légèrement empreint de l'humidité de la nuit passé. Il faut dire qu'il avait bien plu.

*Parfait! *

Il jeta un œil dans sa salle vide, toujours aucun blessés. Ce qui dans un sens était plutôt bon signe. Cependant, au vu du nombre de blessures classiques type coupures en tout genre, l'infirmier allait manquer de plantes pour ses potions désinfectante. Il ferma donc la fenêtre, rangea rapidement ses papiers dispersés sur son bureau et attrapant un petit panier plat en osier, il quitta ses locaux.
Une fois dehors, il marqua un temps d’arrêt pour apprécier l'atmosphère tranquille et fraiche qui régnait entre tout les bâtiments. Puis pris la direction de la forêt. C'était là-bas qu'il trouvait les meilleures plantes médicinales! Il suffisait juste de savoir où les chercher!
C'est donc d'un pas sur qu'il pénétra dans les bois. Comme à son habitude il retrouva rapidement un petit ruisseau qui se jetait plus loin dans le lac, et se mit à le remonter. Pour trouver des plantes fragiles rien de tel que la fraicheur d'une eau pure et la protection des arbres.
Il marcha ainsi pendant une bonne heure, cueillant avec délicatesse ce dont il avait besoin. Soudain, une présence ce fit sentir alors qu'il approchait de la clairière où se situait une plante reconnu pour ses vertus calmantes. Quelqu'un? C'était rare de trouver une personne en ces lieux. D'habitude c'était plutôt le royaume de Dame Nature.
Le jeune infirmier dépassa un arbre et s’arrêta devant la scène. Une jeune femme qui ne devait être pas plus âgé que lui, dessinait sur un petit carnet. Elle était assise sur le pauvre tronc mort couché dans la clairière et ne semblait absolument pas se soucier de la mousse environnante.
Alan entre alors d'un air neutre dans cet espace ouvert et s'approchant de la jeune femme qu'il l'aborda d'une voix neutre également.
Le jeune infirmier était ainsi, il ne montrait jamais d'émotions et semblait être perpétuellement un spectateur imperturbable.

"Bonjour. Pardonnez moi de vous déranger, je ne fais que passer."

Puis continuant de suivre le ruisseau qui passait sous le tronc, il regarda alors au pied de celui ci: ses précieuses plantes y étaient! Tandis qu'il se baissait doucement, il continua de parler.

"C'est vous qui êtes arrivé cette nuit, n'est ce pas? Je vous ai vu depuis la fenêtre de l'infirmerie."

Il posa le plus délicatement possible ses brins dans son paniers et se releva.

Un visage apparut au milieu du dessin, un jeune homme aux cheveux mi-longs. L'intérieur du visage n'était pas rempli, il ne le serait sans doute jamais, le modèle se déplaçait trop vite pour que je puisse capter précisément son expression et un mouvement précis de son corps... Mais quel modèle ?

Je redressais vivement la tête. J'avais bien cru entendre quelque chose, et cet homme n'était pas sorti tout droit de mon imagination. C'était bien ça le problème quand je me lançais dans un dessin : je perdais facilement toute notion spatiotemporelle, et je passais sans problème à côté de tous les évènements qui se déroulaient en parallèle. Un peu comme si je me retrouvais dans mon monde, un endroit où je n'étais plus Ely' Braüns, un petit jardin de paix où je n'était rien de plus qu'un esprit lisse et pâle sur lequel rien ne semble pouvoir prendre prise. Et encore une fois, j'avais loupé un truc, ou plutôt quelqu'un.

Je regardais alors juste à côté de moi et failli tomber à la renverse sous la surprise de voir quelqu'un se relever. Qui a vu quoi ? La voix de l'homme parvint jusqu'à mes oreilles, et je dû prendre quelques secondes pour revenir à la réalité et tout pouvoir remettre dans l'ordre. Un sourire finit par se frayer un passage au milieu de l'expression étonnée qu'affichait mon visage, il commença par se faire une place sur mes lèvres avant de gagner mes yeux et mes joues.

Mon regard émeraude croisa celui bleuté de l'homme. Il était à l'infirmerie, de nuit ? Et il semblait aussi âgé que moi. Je pouvais donc en déduire, sans trop me tromper, que j'avais affaire à l'infirmier de l'académie. Et donc ce qu'il cueillait était soit pour sa consommation personnelle, soit à des fins médicales. Et cela ne me regardait en rien, chacun son problème.

Je me rendis alors compte que, à sourire bêtement - comme d'habitude - et à tenter d'analyser mon interlocuteur, j'avais complètement zappé la question qu'il m'avait posé. Je finis donc par hocher positivement la tête, faisant machinalement glisser dans ma sacoche mon calepin et mes outils de griffonnage.

" - Vous faites parti du personnel médical ? " demandais-je alors en conservant mon sourire.

Il regarda la jeune femme sourire qui semblait sur le coup partit dans ses pensées. Ses yeux étaient d'un vert émeraude qui s'accordait parfaitement avec les couleurs de la forêt et de long cheveux qui lui rappelait furieusement l'ondulation du petit ruisseau qui coulait à leurs pieds. Décidément, elle semblait être en harmonie avec la clairière.
Le regard de la jeune femme se recentra, prouvant un sursaut de réalité et prit alors la parole pour poser une question.


" - Vous faites parti du personnel médical ? "
"C'est exacte. Pour être plus précis je suis le seul même."

Ses yeux suivirent le calepin qu'elle rangea distraitement dans sa sacoche. Alan du avouer que sa curiosité aurait aimé regarder, mais il n'e toucha pas un mot. Il jeta alors un dernier coup d’œil a ses plantes pour les arranger doucement et reprit d'une voix douce en regardant de nouveau son interlocutrice et en lui tendant la main.

"Je m'appelle Alan Amarth, infirmier de Kitai, et vous? "

Il n'était pas du genre à lier de quelconque lien avec qui que ce soit, mais la politesse était de rigueur. Surtout avec une nouvelle enseignante ou personnelle de l'établissement. Et puis... Au vu des derniers évènements, il serait toujours bon de mieux connaitre tout le monde. Cela pourrait lui servir un jour.
Puis bon... Personne n'était jamais à l’abri d'une rencontre qui pouvait changer l'ordre des choses, de la vie.
Il resta donc immobile a coté de la jeune femme, à attendre patiemment sa réponse dans le calme apaisant de l'environnement sylvestre.