« Arrivée pluviale »

La pluie tombait drue dans la campagne. Niché sous mon imperméable, Nikkie essayait de se protéger comme il le pouvait de l'eau. Quant à moi, j'essayai de maintenir ma capuche sur ma tête de ma main libre, tout en tenant ma Nikkie de mon autre main. Je battais la campagne depuis maintenant une après-midi entière, avant de me faire déposer par Sélénia à l'entrée d'un sentier battu. Une après-midi de marche m'avait-elle assurée. Pourtant, celle-ci allait s'écouler sans que je n'aperçoive l'académie. Je n'osai pas faire part de mes inquiétude à Nikkie, de peur de le paniquer lui aussi. Autant dire que je croyais que nous étions bel et bien perdus. Cela s'ajoutant aux déplorables conditions météorologiques, la fatigue qui me commençait à me hanter, et le fait que nous nous trouvons au milieu de nul part. Après quelques longues minutes de paniques qui accompagnaient ma marche, je fus heureuse d'entre-apercevoir la façade d'un bâtiment dans la brume qui s'était installée avec la pluie. Ce fut avec la grandeur de celui-ci que je devinai qu'il était fort probable que c'était la fameuse académie que je cherchais désespérément. J'étais tellement contente d'avoir réussi, que je serrai un peu trop fort Nikkie, qui poussa un petit cri. Nous fîmes en courant dans la boue, le tour du bâtiment pour y rejoindre l'entrée. Mes pieds s'enfonçaient dans le sol mou, salissant mes bottes noires d'un marron poisseux.

Devant la prestigieuse grille, je déglutis. J'avais un peu peur. Rectification, j'étais totalement horrifiée à l'idée de commencer une nouvelle vie dans un lieu dont je ne connaissais pratiquement rien. Et si ça ne marchait pas, et si je me faisais de nouveau rejeter. Je préférai encore ne pas y penser, je secouai la tête frénétiquement.

« Tu as peur, je le sens.

_Ne dis pas de bêtises ! Sélénia m'a promis que tous ce passeraient bien ... »

Nikkie sourit et soupira, je savais qu'il partageait mes sentiments, tout comme je savais que Sélénia avait dit ces paroles par principe de me rassurer. D'un courage immense, je poussai la grille qui émit un grincement crispant. J'aurais presque préféré rester sous la pluie … Mais je courus quand même jusqu'à la porte d'entrée que j'ouvris avec ferveur avant de m'engouffrer dans ce qui semblait être un hall. Je ne pouvais plus faire demi-tour, j'avais pénétré dans ce qui allait sûrement être mon avenir. La boule au ventre, j'avançai de quelques pas, mes chaussures chuintant à cause de l'humidité. Trop occupé à regarder le décor, je ne faisait pas attention au sol que je salissais à cause de la boue qui s'était accrochée à mes pieds.

Cette pièce serait bien caractérisée par l'adjectif imposant. Le plafond était haut, si bien que c'était à en attraper un torticolis à garder les yeux sur les arcs-voutant de celui-ci. Plutôt large, elle dégageait de la prestance, tout en étant simple. Comme première impression, ce n'était pas très rassurant. Je cherchais des yeux une pièce où me rendre pour m'annoncer. Mais, dégoulinante, je ne savais pas où me rendre, et encore moins dans cet état.

Il pleut .

Je déteste la pluie . C'est humide, froid, sans soleil . Une horreur . Le pire dans tout ça, c'est qu'aujourd'hui, je mue .

J'avais demandé à ne pas venir en cours pendant une semaine, afin d'éviter aux autres élèves de me voir retirer ma peau . Vous savez, c'est assez écoeurant, cette mue .

Je suis enfermée dans ma chambre, allongée sur le lit . J'ai passé mon étape "d'anorexie" et je me suis très affaibli . J'attends donc que cela passe . C'est long et très ennuyeux .

Soudain, j'entends des bruits, quelqu'un parle en bas . Je me lève et me dirige vers ma fenêtre qui donne sur l'entrée principale de l'academie . Prés de la porte, je vois une jeune fille au long cheveux bruns se précipitant dans le hall . Elle est trempée, elle a du se faire surprendre par la pluie . Je retourne sur mon lit... après reflexion, je me relève subitement . Je veux aller la voir, elle est peut-être nouvelle, ou simplement perdue... Et puis je pense que je ne pourrais pas survivre une journée de plus dans ma chambre, seule . J'ouvre la porte et me précipite dans la hall .

Ho la vache, je n'aurais pas du courir, je sens que je vais faire une crise d'hypoglycémie !

J'essaye de reprendre mon souffle et cherche du coin de l'oeil, la jeune fille .

Elle est seule et tiens dans sa main, un lapin en peluche . Un compagnon, ou la preuve qu'elle a eu une enfance difficile ? La lamie est confiante, elle la trouve simple et voudrait que j'aille lui parler . Mais que dire ? Un "Bonjour, ça va ?" serait trop nunuche . Il faut que je trouve quelque chose pour engager la conversation .

Je me gratte l'épaule, ma peau qui s'enlève me donne des démangeaisons . La lamie se moque . C'est vrai que comme ça, j'ai l'air d'un monstre ! Elle doit sans doute s'attendre à une personne mieux présentable que moi . Je m'adosse contre le mur et je réfléchis un long moment . A quoi bon se cacher ? C'est idiot ! J'ai l'impression de revenir à mon enfance où mon père m'interdisait de sortir lors de ma mue . Jusqu'à aujourd'hui, je l'ai toujours caché, mais maintenant, c'est finis ! Je prends une grande inspiration et je commence à m'avancer vers elle .




"-salut, lui dis-je d'un ton assez frêle, je vois que tu as l'air nouvelle . Tu n'as pas trop froid à cause de la pluie ?

« Enchanté et le mot maître. »

Il est vrai que j'étais restée longtemps, comme ébahie, droite comme un piquet, toujours aussi dégoulinante, sans ciller, immobile, face au hall. Je sentais bien que Nikkie s'impatientait à mes côtés. Je le posai au sol, ainsi que le sac à bandoulière que je transportais. Je reposai de mon anorak trempé jusqu'à la fibre, et je le posai sur mon sac. Nikkie me regardait me débarrasser de mes encombrantes affaires. J'avais oublié de citer ma valise qui me servait à transporter les affaires dont j'aurais besoin durant mon séjour à l'académie. Bien entendu, je n'avais pas fait l'effort de la tirer et de la faire rouler sur ses deux roulettes. J'y avais malicieusement placé une âme docile et obéissante, ce qui résultait que ma grosse valise noire se déplaçait toute seule derrière moi. Mais dès que j'avais pénétré dans le hall, elle s'était immobilisée face à la porte, tout comme moi, pour se laisser accueillir par l'importance de cette entrée, qui signifiait aussi énormément pour moi que la grandeur de la pièce.

Après ce long laps de temps, qui paraissait relativement court pour moi, je finis par m'avancer de quelques pas, tirant mon sac sur lequel s'était assis Nikkie, par la bandoulière. Quant à ma valise, elle était toujours immobile, je ne pensais pas encore à la faire me suivre. Mes pas résonnait dans les hauts murs, j'allais vraiment finir par croire que j'étais seule. Mais, à ma grande surprise, on finit par venir.

Je ne pourrais définir le sentiment que je ressentis lorsque je la vis. Elle signifies pour moi la fin de ses longues années où je me croyais la seule différente. Le plus étrange, c'est que je n'eus aucune réaction de dégoût. Simplement, une certaine crainte au début, cela il faut l'avouer, mais surtout, beaucoup de surprises. Oui, voilà, j'étais tout simplement choquée et surprise face à elle. Lorsqu'elle s'avança vers moi, la peau craquelant de tous côtés, et que je crus apercevoir un morceau de peau tombé lors de son arrivée, je peux vous dire que je déglutis, et que mon visage arbora la surprise incarné. Ma bouche s'était ouverte, mes yeux écarquillés, et mon regard fixé, expression qui sera difficile à quitté, ça j'en étais consciente. En tout cas, il y avait aussi une partie de moi qui était profondément rassurée. Sélénia m'avait dit vrai, je n'étais pas la seule au monde, et d'autre devait souffrir plus que moi, car leur différence ne se sentait pas que dans leur aura ou leurs actions, mais elle se voyait aussi physiquement. Mais, même sans la connaître, j'éprouvais une profonde admiration pour cette fille, qui venait m'accueillir souriante, se contre-fichant de sa différence, alors, après quelques secondes, mon expression abasourdie se transforma en un ravissant sourire que j'essayai d'arborer avec tact.

« Oui, c'est vrai que j'ai plutôt froid. Je ne sais pas trop quoi faire … »

Mais j'oubliais la base de la politesse, je lui tendis une main, bien qu'une partie de moi regretté un peu ce geste par simple crainte de devoir touché cette peau, mais une plus grande partie le trouvait nécessaire pour bien poser les bases et lui montré que je ne m'arrêtais pas aux apparences.

« Je m'appelle Ka … Kamiko, Hamasaki Kamiko. Et … toi ? »

Il est vrai qu'il est plutôt difficile de s'exprimer face à une telle personne, mais déjà plus facile qu'avec les personnes relativement normales. Voilà ce que je pensais. Mais je n'eus pas l'occasion de penser plus longtemps, pour la simple et bonne raison que Nikkie m'arrachait instantanément à elles. Il s'était mis debout sur mon sac, et il tirait le pan de ma jupe, je baissai mon regard pour voir ce qu'il voulait, et j'eus très vite fait de comprendre. Je le pris donc dans mes bras pour l'élever à notre hauteur, et je le présentai à l'accueillante inconnue.

« Quant à lui, c'est Nikkie. il lui tendit une main pelucheuse. Ne t'inquiète pas, il est aussi vivant que toi et moi, mais pour rien te cacher, c'est moi qui l'ai rendu ainsi., tu verras, il est un grognon mais pas bien méchant.

_Tu retire la dernière phrase et ça aurait pu être parfait Kamiko. » dit-il en me donnant un coup de patte molle sur la tête, avant de la tendre à nouveau à l'inconnue.

Je souris d'un sourire mesquin, et haussa un sourcil d'un air malicieux. Lui et moi dans une académie, ça allait promettre, j'espérai juste que ça n'effraierait pas la jeune fille une peluche de lapin qui parle.

Je pensais qu'elle allait me fixer avec de gros yeux horrifié en me voyant débarquer ainsi, mais non .
Elle n'avait rien fait, rien dit . Elle m'avait presque contemplé quelques secondes avant de se présenter en souriant !
Alors c'est ça, c'est ça d'être accepté malgré ces différences ? C'est ça de se montrer tel que l'on est ?
Je me sens plus légère, comme si un poids venait de me quitter . Mon introversion me quittait enfin .
Je planais tellement dans cette nouvelle sensation que j'en oublie la présence de Kamiko . Je me ressaisis sous l'influence de la lamie .
Kamiko parlait et je ne l'écoutais pas ! Elle parlait de son compagnon, elle m'expliquait qu'elle lui avait donné une âme, grâce à son pouvoir . C'est vraiment impressionnant, il a l'air si vivant !
je sors ma langue afin d'en savoir un peu plus sur cet étrange lapin .
...
Je n'arrive pas à croire se que je sens ! Même si cette peluche possède une âme, je ne l'aperçois pas . Je ne sens que du vide . Rien .
Est-ce une anomalie venant de ma pars où venant de Kamiko ? Il faudra que j'y réfléchisse .

"Peut-elle déplacer une âme d'un corps à un autre ?"

Je ne dis rien . La remarque de la lamie est intéressante et je comprends son intention . Pourtant, je n'ai pas envie de me séparer d'elle . C'est bizarre parce que c'est mon souhait le plus cher ... Pourquoi ?
Soudain, la sonnerie retentis dans tout l'établissement, et en l'espace de quelques secondes, le hall grouille d'élève . Je reconnais devant moi, des élèves de ma classe . ceux-ci s'arrêtent en me voyant . Mon cœur bat . C'est la première fois qu'ils me voient ainsi, je me demande à quoi ils pensent .

« -J'ignorai qu'Emma était un serpent...! " murmura l'un d'eux .

En entendant cette remarque, je sens en moi un grand apaisement . Je souris Et dans le brouhaha du hall, je lance à Kamiko :

"- Je m'appelle Emma Lob'Tauhes . Bienvenue à Kitaï ! "

Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que ma dernière phrase s'adresse aussi à moi .